Il est chef de service du CAARUD STEP de l’association Aurore EGO, et travaille avec les bénévoles Prévention de Solidarité Sida depuis 1 an et demi. Il nous raconte l’importance de ce partenariat qui permet d’aborder la sexualité avec les usagers de drogues et de prévenir la prise de risques.
Bonjour Luis, pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je suis d’origine chilienne, naturalisé français. Au Chili, j’ai obtenu le diplôme de Professeur d’État en Philosophie et en France, un Master en Sciences Sociales mention Anthropologie. J’ai ensuite fait un DESU en Prévention de conduites à risques. J’ai été Coordinateur ERASMUS et professeur d’Espagnol (vacataire) à l’IUT Saint-Denis (Paris 13). Ensuite, je suis devenu intervenant en prévention de conduites à risques auprès de jeunes (13-25 ans) et dans la formation de professionnels. Et je suis chef de service du Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD) STEP de l’association Aurore EGO depuis un an et demi.
Comment fonctionne le CAARUD ?
C’est un lieu anonyme où l’accueil est inconditionnel. C’est ouvert au public du lundi au vendredi de 17 à 22h. Nous demandons aux personnes accueillies trois choses : le respect des personnes, du lieu et de ne pas consommer de drogues sur place. Notre mission principale est la Réduction de risques (RDR) sanitaires, sociaux, et juridiques. Notre équipe est composée de cinq éducateurs spécialisés, une infirmière, et un médecin et une juriste (une fois par semaine).
Nous donnons gratuitement du matériel stérile pour l’injection et des pipes à crack pour les fumeurs de crack.
Nous proposons également des dépistages VIH et VHC, des soins de pieds, des accompagnements sociaux et juridiques, et des ateliers (informatique, cinéma-débat, coiffure, bien-être pour les femmes et alphabétisation).
Nous faisons aussi du travail de rue. Nous allons à la rencontre des usagers de drogues dans notre quartier et ailleurs pour les rapprocher des institutions, nous ramassons des seringues sur la voie publique, et nous faisons de la médiation sociale avec les voisins et riverains.
Quel est le profil de votre public ?
Il a en moyenne 45-50 ans et est en grande précarité. Il est composé à 80% d’hommes et à 20% de femmes qui viennent du monde entier. Ce sont principalement des injecteurs et des fumeurs de crack, et quelques femmes en situation de prostitution. Nombreux sont à la rue, quelques-uns sont sans papiers. C’est un public qui est dans une situation de grande souffrance.
Comment la collaboration entre STEP et Solidarité Sida a-t-elle commencé ?
L’association Solidarité Sida était présente toutes les deux semaines à STEP avant que j’intègre l’équipe. L’ancienne cheffe de service, qui est devenue depuis bénévole à Solidarité Sida, m’avait recommandé de ne pas perdre ce contact. Ce que j’ai fait. Avec toutes les actions que nous mettons en place : les accompagnements, le travail de rue, les maraudes… nous n’avons pas vraiment le temps de donner une place plus importante à la réduction de risques liés à la sexualité. C’est donc un atout pour nous d’avoir deux bénévoles de Solidarité Sida qui viennent toutes les deux semaines pendant 4h pour permettre aux usagers de parler de sexualité et de poser des questions. Les bénévoles sont toujours très bien préparés et cela s’avère fondamental dans notre travail.
Comment se passent ces actions de prévention ?
Il ne s’agit pas de réunions formelles. Les usagers viennent pour récupérer du matériel de réduction des risques, soit par rapport à l’injection, soit par rapport à la consommation par voie inhalée, et les bénévoles de Solidarité Sida sont là. Ils montrent les outils, l’utilisation correcte des préservatifs ce qui provoque des échanges assez intéressants entre les bénévoles et notre public, toujours de façon informelle et spontanée.
Votre public accueille-t-il favorablement ces sessions de prévention ?
Les réactions sont très positives et c’est pour cela que nous souhaitons continuer à travailler avec Solidarité Sida. À travers les échanges avec les usagers, nous nous rendons compte qu’il y a encore des rappels à faire. En effet, nous proposons également des dépistages du VIH et de l’hépatite C et c’est au cours d’un dépistage qu’un usager de plus de 45 ans, qui était venu faire un test, m’a dit que son préservatif avait craqué. En discutant avec lui, je me suis rendu compte qu’il ne faisait pas les bons gestes car il ne pinçait pas le réservoir avant de mettre le préservatif. Cela prouve qu’il y a encore et toujours un travail à faire pour rappeler les bons gestes et parler des pratiques sexuelles, et l’importance des actions proposées par Solidarité Sida. La sexualité touche l’intime, c’est souvent quelque chose de tabou et c’est en cela que les bénévoles font un très bon travail. Ils parlent librement et ouvertement de sexualité, ce qui est fondamental pour prévenir la prise de risques.