Solidays est l’événement de Solidarité Sida le plus connu du grand public, mais toute l’année, Solidarité Sida réalise de nombreuses autres actions de prévention. Aurélie est Chargée de relation résidentielle en Foyers de Jeunes Travailleurs. Parce qu’elle a trouvé en Solidarité Sida un partenaire qui partage sa conviction qu’avant d’aborder les questions du risque, il est primordial de parler de plaisir, elle organise avec l’association des actions de prévention où la parole des jeunes est libérée.
Bonjour Aurélie, pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Je m’appelle Aurélie, j’ai 31 ans, je travaille en Foyers Jeunes Travailleurs depuis 2008 et actuellement à l’ALJT dans le 19ème arrondissement de Paris. J’ai un DUT Carrières Sociales, option Education Spécialisée. Auparavant, j’ai travaillé en Foyers de l’Enfance auprès de publics adolescents. En Foyers de Jeunes Travailleurs, je travaille auprès d’un public jeune de 18 à 30 ans, en situation d’emploi (CDI, intérimaires, apprentis…) et assez mixte. Leur point commun à tous est qu’ils travaillent. Nous avons des jeunes qui viennent de pays étrangers ou d’autres régions de France, mais également des parisiens qui étaient en situation délicate de logement, ou hébergés chez leurs parents et c’est une première décohabitation pour eux, ou d’autres encore dans des situations plus compliquées : ils se sont faits mettre à la porte de chez leurs parents ou étaient en couple et se sont séparés… Les profils sont très variés. Pour être éligible pour vivre dans un Foyer de Jeunes Travailleurs, il faut être en emploi, avoir entre 18 et 28 ans à l’entrée, avoir un minimum de ressources de 650€ et être en situation régulière. Nous ne pouvons malheureusement pas accueillir des personnes sans-papiers.
Comment a commencé pour vous le partenariat avec Solidarité Sida ?
Quand j’ai commencé à travailler à l’ALJT, il y avait déjà des actions de prévention qui étaient mises en place dans plusieurs résidences et quand je travaillais sur l’ALJT Marcadet dans le 18ème, mon collègue faisait intervenir Solidarité Sida. Je portais déjà un grand intérêt à la santé des jeunes. Quand je suis venue travailler dans la résidence du 19ème en 2010, où j’étais en charge de l’organisation du programme d’animations, je me suis dit que j’allais refaire appel à Solidarité Sida. Nous avons commencé par des actions assez classiques, puis je me suis dit qu’il serait intéressant de faire évoluer les choses et de proposer de nouvelles actions de prévention. Nous sommes face à un public qui a assisté à des sessions de prévention au collège, puis au lycée, et qui a donc l’impression d’être très au courant. La réalité est que quand nous faisons une action de prévention et que nous demandons aux résidents de poser un préservatif sur « le manège enchanté », on se rend compte qu’ils n’ont peut-être pas tout compris à la pose du préservatif. De même pour les idées reçues : « Si on est circoncis, on ne peut pas attraper de IST », « On remarque qu’une fille est vierge à sa façon de marcher ». On entend des choses qui nous font nous dire qu’il y a encore beaucoup de boulot. Je me suis donc dit qu’il fallait proposer des actions sous des formes différentes pour qu’ils n’aient pas l’impression que c’est ce qu’ils ont déjà vu ou entendu. En lien avec l’équipe prévention de Solidarité Sida, nous avons donc réfléchi à comment aborder les choses différemment. J’étais allée découvrir l’expo Sex In The City à Bastille et je me suis dit : « C’est vrai que quand on parle de sexualité aux jeunes, on leur parle tout le temps de risques et de dangers. C’est le cas pour la prévention en général, pour le sida, mais aussi pour l’alcool, les drogues… Il faudrait peut-être en effet commencer par le commencement, d’abord leur parler de plaisir, sans leur dire directement « le sexe, c’est dangereux », ce qui correspond à la philosophie de Solidarité Sida. Nous avons donc décidé de proposer une action sous une forme un peu différente en nous inspirant de Sex In The City et avons organisé une soirée sur le plaisir où les intervenants sont venus avec des sextoys, ce qui avait permis d’avoir un support. Au début, cela a fait sourire les résidents, ils n’osaient pas trop parler et ensuite, ils se sont bien lâchés sur toutes les questions sur le plaisir et à la sexualité en général.
Chaque foyer est donc en charge de son animation et il n’y a pas d’actions régionales ou départementales ?
Nous avons une convention avec l’ARS (l’Agence Régionale de Santé) et la prévention santé fait partie de nos missions, donc la vie affective et sexuelle aussi. Chaque animateur a ensuite la liberté de mettre sa petite touche personnelle.
Votre « petite touche personnelle » a inspiré vos collègues d’autres foyers ?
Oui, d’autres ont suivi le mouvement. J’avoue qu’au début, je me suis un peu faite chambrer pendant les réunions : « Alors, t’as fait une soirée sextoys ? » car tout le monde avait un peu l’habitude faire les actions classiques. Or il est important de renouveler régulièrement le format pour que mêmes les résidents qui sont déjà venus aient envie de revenir.
Et donc, pouvez-vous nous raconter comment se passe une soirée de prévention ?
Dernièrement, parce que nous avions remarqué qu’il y avait des discours assez trash sur l’homosexualité, nous avons fait des actions avec le Centre de Planification en nous disant qu’il fallait qu’il y ait un travail de fond sur ce sujet. Et avec Solidarité Sida, nous avons organisé une soirée où nous avons abordé les différentes orientations sexuelles et les questions du genre. Chaque soirée a une thématique que nous déterminons à l’avance avec Solidarité Sida suivant les besoins que nous ressentons. Nous les avons même fait intervenir une fois sur la question de la citoyenneté. Nous les avons invités à venir une soirée festive à la résidence pour parler de l’engagement. Ces soirées rencontrent souvent un franc succès. Lors de la dernière soirée sur le plaisir, et sachant d’habituellement nous avons en moyenne 10 à 15 jeunes, ils étaient 20, dont certains d’un autre foyer proche qui s’étaient déplacés parce que la thématique les intéressait. Les retours sont très positifs, ils apprécient le côté différent et le fait qu’il s’agisse de soirées sans tabous. Je suis présente lors de ces soirées, mais je me tiens en retrait pour ne pas brider la parole des jeunes. Et si à un moment, je sens que ma présence les dérange, je m’éclipse et je laisse les jeunes avec les bénévoles Prévention de Solidarité Sida. J’ai changé récemment de foyer, dans celui-là il n’y a pas encore eu d’actions de prévention avec Solidarité Sida. Je pense que pour commencer, je ne vais pas organiser de soirée-débat mais plutôt leur demander d’avoir un stand dans le hall où tout le monde passe. Cela permettra d’établir un premier contact et que les jeunes identifient le partenaire avant la mise en place d’actions plus thématisées. Ce que j’ai trouvé génial lors la dernière soirée, c’est le fait qu’en abordant d’abord les questions du plaisir, ce sont les jeunes qui ont ramené sur la question de la prévention. Cela prouve que cette façon d’aborder le sujet leur plait et leur convient. Pour moi, c’est formidable d’avoir un partenaire avec lequel je peux réfléchir à de nouvelles actions plutôt que de me dire : « C’est bon, j’ai fait mon action de prévention, à l’ARS ils vont être contents. ». Notre objectif commun reste de toucher les jeunes, qu’ils retirent quelque chose de ces soirées, qu’ils sachent comment se protéger et qu’on y mette du sens. C’est un partenariat qui roule depuis longtemps et j’espère encore pour de nombreuses années, du moins tant que cela sera nécessaire.